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Autopsie d'une passion

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Autopsie d'une passion

Je termine mon année de lecture avec le livre Aimer à en perdre la raison, Autopsie d’une passion de Maryse Vaillant, décédée l’an dernier. Cette psychologue, très médiatique, auteur de nombreux livres, a, dans ce dernier ouvrage, voulu revenir sur ce que fut cette passion brûlante qu’elle éprouva pour un jeune dont elle était en charge lors de ces débuts en tant qu’éducatrice.

Dans son livre, en reconstruisant son histoire, elle tente d’y donner sens. De ce travail de mémoire, elle nous livre les ressorts d’une histoire d’amour décortiquée afin d’en extraire une ligne conductrice.

L’auteur nous raconte comment Nathanaël, un beau garçon, romantique l'a emportée dans une relation amoureuse aussi folle qu’exclusive.Il n’a pas vingt ans et, pour lui, l’amour suffit à donner sens à sa vie. La jeune éducatrice, elle, sait que la vie aux côtés de cet homme ne sera pas simple tous les jours mais refuse de croire qu’il est schizophrène et pense pouvoir en faire un mari et un père. Ils vont avancer dans la vie, même si lui n’est pas toujours concerné par les projets qu’elle formule. Et puis, au fil du temps, un peu parce qu'elle est portée par des désirs nouveaux, un peu parce qu'il ne peut s’astreindre aux contraintes ordinaires, elle finira par quitter celui qu’elle a pourtant aimé éperdument mais reste inatteignable.

Entre temps, l'éducatrice est devenue psychologue, ayant troqué une passion pour une autre. Au cours des dernières années de son existence, une autre passion avait envahi sa vie, l'écriture. Elle vivait à la campagne, dans un moulin, entourée d'une bibliothèque d'écrivain comme elle l'écrit dans ce livre.

A travers ce récit très personnel, que nous dit M. Vaillant de la passion ?

« Tomber amoureux, c’est ressentir des vibrations, des élans et des énergies excitantes et parfois déstabilisantes. Car l’émotion ressentie n’est pas toujours en harmonie avec la situation conjugale ou sociale du moment, les engagements précédents, les choix de vie antérieurs. C’est pourquoi les frémissements de désir n’augurent pas toujours d’une relation durable. […] Le coup de foudre […] met en scène des désirs enfouis, rappelle quelques fantômes transgénérationnels. »

Longtemps rongée par la culpabilité pour avoir quitté un homme avec lequel elle a partagé des pulsions de vie et de mort, Maryse Vaillant ne s’épargne pas dans le texte y révélant ses propres failles. Entre le ‘prince gothique’ et la jeune femme un état abandonnique qu’ils avaient en commun a fini par avoir le dessus de leur amour fou. Voici la définition qu’elle donne de l’amour quand il fait mal : « Il est peut-être toujours ainsi des grands bonheurs et des amours les plus intenses : en nous rapprochant de nos rêves, en réalisant nos désirs, ils nous confrontent à nos peurs, ravivent nos angoisses les plus intimes. »

De son analyse, la clinicienne a fini par comprendre comment cet amour n’était, en fait, que la répétition d’une histoire héritée de mère en fille, une histoire transgénérationnelle.

« Il n’est pas toujours aisé de percevoir que les rencontres amoureuses […] sont porteuses de nos aspirations les plus profondes et les plus enfouies, autrement dit les plus inconscientes. Le comprendre, c’est savoir que le vent qui nous pousse vers une personne inconnue souffle en nous depuis longtemps, qu’il vient du fond de notre histoire, de notre enfance, voire de celle de nos parents. »

Si la passion s’accomode souvent mal du réel, il n’en reste pas moins vrai qu’elle s’enracine dans la psyché de deux êtres :

« … les ondes qui émanent de celui qui nous attire proviennent autant de son inconscient que du nôtre. Chacun des partenaires trouve en l’autre la clé de ses désirs les plus essentiels et souvent les plus refoulés. La naissance d’un amour soudain provient souvent de la mise en présence de deux inconscients, et des pulsions de vie et de mort qui animent chacun d’eux. La transformation de cet amour en passion sera porteuse de ces pulsions, autant enchanteresses que maléfiques. »

Cinquante ans plus tôt Maryse et Nathanaël avaient échoué dans leur tentative de suicide en commun, la pulsion de vie l'ayant alors emporté. A la fin de leur vie, ils auront pu se parler à nouveau une dernière fois, avant de se suivre dans la mort, à deux ans d'intervalle.

La passion, si elle peut faire souffrir et traverser l’enfer, peut aussi enrichir nos vies, tel est le message que porte ce livre. Il était sans doute nécessaire pour l'auteur de refermer ainsi la boucle et nous la remercions de nous avoir fait cadeau de cette part d'elle-même en nous faisant partager ce qui fut, somme toute, une belle histoire.

CDG

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