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L’écriture comme processus résilient

Publié le

Mettre de la créativité dans sa vie pour se réaliser, voire pour résilier. Ecrire pour sortir de soi et faire sortir de soi ce qui, sinon, amènerait à l’éclosion de troubles, être dans la mise en œuvre pour sauver sa peau, marquer le texte avec les mots pour ne pas se démarquer et sombrer dans la folie. L’art ne suffit pas toujours, des artistes se sont perdus malgré tout et pourtant…

Je reste convaincue que ce qui inscrit fondamentalement la différence entre l’être humain et l’animal, c’est justement cette capacité à créer, cette nécessité d’engendrer. Pas besoin d’être un artiste, pour certains, il suffira d’enfanter ou de planter des arbres. Quand on se livre à l’art, par la peinture, l’écriture ou en faisant un film, il y a, en plus, une dimension de transmission, on ne crée pas seulement pour soi, on crée aussi pour partager, pour diffuser au plus grand nombre. Cela part bien sûr d’un besoin de reconnaissance plus marqué chez certains individus. A chacun son histoire, peu importe, seule compte la façon dont on parviendra à extraire ce qui brûle en nous pour arriver au but, exulter, voir ce qui prenait aux tripes prendre forme entre la matière et la pensée. Une fois l’objet créé, on approche l’apaisement, sans crier victoire, parce qu’il faudra continuer encore et toujours, jusqu’au bout. La machine ne s’arrêtera pas. Si le processus stoppait, c’est l’esprit qui se rendrait. Le processus créatif nait d’une pensée, une pensée trop riche, intense qui, si, elle n’est pas canalisée, affole l’esprit.

Quand un individu va mal, il peut consulter un psy. Ce n’est pas moi qui vous dirai qu’un psy ne sert à rien, ceci étant, une thérapie, ça ne marche pas avec tout le monde. Et puis, une thérapie ne vient pas à bout de tout, sinon ça se saurait et les psys iraient très bien. Ça n’est pas inutile, mais c’est loin de suffire. C’est ce que j’ai voulu montrer avec Ultime séance dans lequel mon héros, Siegfried, entame une thérapie, mais s’en sort surtout grâce à un projet qui l’anime à nouveau, fournissant un objet à sa libido et lui permettant d’entrevoir un sens à sa vie.

La participation créative sera plus ou moins conséquente selon les individus. Pour certains, il s’agira d’épisodes transitoires, quand pour d’autres, cela sera une raison de vivre, une nécessité ad vitam aeternam. Certains diraient « écrire, pour ne pas mourir », c’est peut-être un peu excessif.

Que se passe-t-il lorsque l’on va mal ? Très souvent il s’agit d’une déconstruction de soi à partir d’éléments qui sont venus nous fracasser à l’intérieur, suite à un deuil, une rupture sentimentale, une perte d’emploi… On passe alors par toutes les phases de colère, tristesse, incompréhension… inhérentes au deuil. Et puis vient la reconstruction. L’écriture, comme toute création, participe vivement à cette phase. Lorsque j’ai écrit Confessions d’un psy, je connaissais une phase professionnelle difficile, or j’ai pu, en couchant les mots sur l’écran, remettre du sens à un certain désordre. Cet exemple de travail intérieur m’est apparu notamment lorsque j’ai vu ce souvenir remonter dans ma mémoire d’une nuit passée dans un immeuble parisien où Freud avait séjourné pendant un an, un siècle plus tôt. Tandis que j’avais complètement occulté cet élément de ma vie pendant de longues années, soudain, à l’écriture du roman, il revenait comme une clé pouvant ouvrir d’autres portes.

Il arrive qu’un fil conducteur vienne éclairer dans une construction littéraire et mette en lumière ce qui semblait obscur. Certainement parce que se met en place une juste distance entre soi et ce qui faisait figure de souffrance, un écart qui permet le détachement. Tout à coup, ce n’est plus en soi, mais hors de soi. A travers la création, la douleur se soumet à la dictature de l’artiste, elle n’est plus subie, elle prend acte. L’auteur devient acteur. Dans la maîtrise de son art, il reprend la maîtrise de lui-même et parfois de sa vie.

Dans l’acte d’écrire, les souvenirs sont convoqués dans une autre temporalité et c’est là que l’on peut réécrire son histoire. En cela, on se rapproche parfois d’une psychothérapie. Quand il s’agit de fiction, c’est en tricotant avec l’imaginaire que l’on transforme le réel et, qu’en quelque sorte, on l’apprivoise. Il en devient alors plus supportable. Il y a aussi les lettres que l’on écrit, qu’elles soient envoyées ou pas, et qui permettent de différer une pensée qui pourra être travaillée encore et encore, jusqu’à ce que la colère, la douleur soient dissoutes à travers les mots. Avec la parole, il arrive que la pulsion agisse, souvent à notre insu, mais dans l’écrit, le temps se fait serviteur de nos réflexions et aide à l’élaboration d’une pensée plus aboutie. Peut alors advenir une autocritique et une mise en lien qui se veut pourvoyeuse de sens.

Et quand on approche du sens, on a déjà fait un bon bout de chemin…

Je laisserai le mot de la fin à d’autres qui ont compris l’importance que peut avoir l’écriture dans le cheminement vers soi-même…

L’écriture c’est la meilleure thérapie.’ Scholastique Mukasonga

C’est par l’Art et par l’Art seul, que nous pouvons réaliser notre perfection ; par l’Art et par l’Art seul que nous pouvons nous défendre des périls sordides de l’existence réelle.’ Oscar Wilde

L’art est incontestablement l’une des façons les plus enrichissantes de donner sens à son existence, pas seulement pour les artistes professionnels, mais aussi pour les amateurs anonymes que nous sommes pour la plupart.’ Jacques Lecomte – Psychologue et auteur

L’avantage d’écrire un roman… on évite 25 ans de psychanalyse !’ Bernard Werber

Je crois à l’art. L’art qui, bien mieux que les thérapies, permet d’écrire sa propre histoire au lieu de subir encore et encore les traumatismes du passé.’ Lidia Yuknavitch - Auteur

CDG

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