Bibliothèques... par Nicolas Bouvier
"Les hasards de la vie m'ont un peu marié aux bibliothèques. Mon père était bibliothécaire (...) Lorsque j'ai commencé mes études de lettres (...) mon père m'en a fait une 'conduite' pour que j'utilise au mieux cet incomparable instrument de travail. On aura beau normaliser, informatiser, filmographier, chaque bibliothèque conservera son odeur spécifique, sa stratégie, ses sésames et ses secrets. Je me sens fondé à cette affirmation pour en avoir pratiqué beaucoup, dans notre vieille Europe comme outre-mer. Une fois décodées et percées à jour, les bibliothèques sont comme les violons : qu'ils aient cent ou trois cent ans, plus on les joue plus ils se prêtent. J'ai un souvenir très plaisant de cette visite : je voyais enfin mon père, grand érudit et sorcier des grimoires, sur son terrain et dans ses œuvres.(...) C'était comme si cet homme, d'une réserve britannique, m'avait introduit dans son sérail secret et me présentait ses rutilantes maîtresses. " Nicolas Bouvier (La guerre à huit ans, 'Bibliothèques', p. 43-46)