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Le grand amour de Paul Valéry

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Le grand amour de Paul Valéry

Dans Je suis fou de toi (Ed. Grasset), Dominique Bona, d’une plume académique, dresse le portrait d’un amour, celui de Paul Valéry pour sa maitresse, Jeanne Voilier. Habituée des biographies, l’auteur n’y déroge pas.

Paul Valéry n’est plus un jeune homme lorsqu’il fait la connaissance de celle qui va lui faire perdre la tête. A soixante six ans, c’est un homme marié, père de famille qui n’en n'est pas à sa première maîtresse. Avant, il y a eu Catherine Pozzi avec laquelle il avait une belle complicité mais, lorsqu’il rencontre Jeanne Voilier, de trente ans sa cadette, au soir de sa vie, la passion le saisit. Elle deviendra sa drogue.

Jeanne est sa drogue. Une drogue encore légère, mais à laquelle il voit bien qu’il s’accoutume. Quand il est loin d’elle, il ressent un manque cruel, comme un vide physique. Ou métaphysique. […] Il a soif d’elle. Faim d’elle. Toutes ses pensées vont vers elle. Il est possédé.’ La guerre n’arrange rien puisqu’elle fait de leurs retrouvailles des moments rares et du coup d’exception.

Plus qu’un amour, il s’agit là d’une passion non partagée que vit le poète au cours des dernières années de sa vie. Si Paul Valéry est un homme qui reste fidèle à son mariage, Jeanne, elle, divorcera. Elle est une avocate qui mène sa vie de femme libre, en avance sur son temps.

Jeanne Voilier est une sorte de courtisane qui fréquente des hommes du monde des affaires et de l’édition, des écrivains comme Jean Giraudoux ou encore Saint-John Perse. Si elle cumule ses relations avec les hommes, elle sait cloisonner sa vie de sorte que ses amants ne se croisent jamais.

Alors que l’histoire du poète et de la séductrice s’organise sur fond de guerre, Valéry a ces mots qui ne peuvent que résonner en nous : « L’homme est l’ennemi du genre humain. Je me demande si tout ceci – l’Europe – ne finira pas par une démence ou un ramollissement général. »

Suite à leur rencontre, Paul Valéry lui écrit des poèmes avec frénésie. ‘Tu ne m’inspires pas quelque chose. Tu m’inspires tout court.’ lui écrit-il. Entre mélancolie et extase, les mots jaillissent envers celle qui lui est devenue indispensable.

Tandis que Valéry devient l’esclave de sa notoriété, Jeanne, se met à écrire à son tour. Rien d’étonnant puisque Valéry a toujours aimé les qualités littéraires chez les femmes qu’il a fréquentées. Mais, si Jeanne montre un talent indéniable pour le roman, elle a plus de mal avec l’amour, démontrant une difficulté à aimer, comme le lui dira son amie, Yvonne Dornès, dans une lettre « Tu ne peux pas aimer. » Oscillant entre hyperactivité et chute d’énergie, sujette à des dépressions chroniques qu'elle soigne dans des cliniques suisses, Jeanne est une femme à la fois forte et fragile qui opère un pouvoir certain sur ceux qui croisent sa route. ‘Les êtres qui l’aiment se brûlent à son contact. Yvonne Darnès souffre. Jean Giraudoux veut mourir. Paul Valéry va connaître l’enfer.’

Après son troisième roman, Jeanne décide d'arrêter d'écrire pour se consacrer essentiellement à l’édition et s'éloigne de Valéry qui ne sait plus quoi faire pour la reconquérir, allant jusqu'à lui proposer l'écriture d'un roman à quatre mains… lui, qui déteste le roman. Le projet ne verra pas le jour.

Jeanne, qui a pris le large, mais continue d’exercer une certaine fascination chez nombre d’amants finit par rencontrer l’éditeur Robert Denoël qu'elle accompagnera dans cette période trouble qui sévit sous l'occupation.

Alors que la santé de Valéry se dégrade, et qu'il apprend que Jeanne est sur le point d'épouser Robert Denoël, il continue de lui écrire : « Toi, personne ne t’aura aimée d’un amour de cette profondeur et de cette qualité. Le son de mon amour, je t’assure, tu ne l’entendras jamais d’un autre, jamais, jamais. »

Quelques mois plus tard Valéry rend son dernier soupir. Son cœur sensible aura eu raison de lui. Le poète meurt de chagrin de son amour blessé.

A travers l'histoire de cet amour fou de Paul Valéry pour sa dernière maîtresse, on découvre la vie romanesque de cette femme libre, aventurière et séductrice que fut Jeanne Voilier de son vrai nom Jeanne Loviton.

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