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De la difficulté d'écrire...

Publié le

De la difficulté d'écrire...

C’est peut-être de la difficulté de vivre que nait l’écriture, mais il y a aussi cette difficulté à passer à l’écriture, ce moment où l’on n’y arrive pas. On rumine sur cette douleur qui nous enlace et on se dit que l’on n’est sans doute pas fait pour ça, écrire. On a lu, une heure avant, une nouvelle d’un grand auteur et son style, ses métaphores nous ont ramené à l’étroitesse de notre esprit. ‘Je n’ai pas cette capacité d’écrire’ se dit-on alors devant l’ombre d’une page blanche. Cela fait des jours que l’on se demande quelle fin aura le livre alors qu’on n’en est qu’au début. Doit-on se poser la question de la fin ? Il y en a qui le font. Ça donne une ligne directrice. Ça oriente. J’aurais aimé trouver ma fin, or j’observe différentes conclusions qui ondulent sur les flots de mes pensées. La douleur d’écrire alors, c’est quoi au juste ? Ne pas écrire quand on voudrait ? Ne pas trouver la qualité à la hauteur de ses aspirations ? Se comparer ? Ne pas aller aussi vite qu’on aimerait ?

Je reviens sans cesse sur ce que j’écris. J’ai pu aimer et je n’aime plus. Faut-il qu’il y ait autant de changements dans mon esprit pour que jamais la satisfaction ne tienne ? Mon inconstance domine mes phrases. Dans ma tête c’était bien, sur la page ça ne l’est plus. C’est parfois ça le supplice, ne pas retrouver ce qui nous a traversé et qui s’est envolé, des pages entières qui se sont succédées, volatiles et hop… Plus rien. On s’évertue à se rappeler, mais l’idée, si elle ne s’est échappée, ne présente plus la même identité. Pourquoi mon cerveau ne parvient-il pas à retenir tout ce qui est bien ? Il préfère souvent cadenasser ces torpeurs, ces énoncés alanguis plutôt qu’enfermer aussitôt ces envolées de haut niveau. Je me dis parfois que je vais arrêter. Ne plus rien écrire. Et, puis ça recommence, c’est là à nouveau, à vouloir sortir. Il faut y aller, parce que ça nous sauve de l’inutilité.

Il y a quelque part, chez moi, cette volonté d’approcher ce qui m’obsède avec des lettres et d’en faire des mots, des phrases, des histoires. Peut-être est-ce là une façon de céder à la facilité. Sans doute est-il plus facile d’écrire que de vivre, au fond. Les gens qui écrivent sont peut-être comme les animaux qui répondent à la seule pulsion. La pulsion d’écrire. Que font ceux qui écrivent ? Ils mangent, ils dorment, ils écrivent… parfois ils marchent un peu. Tout cela est très basique finalement. La pulsion d’écrire ? C’est un besoin, ni plus ni moins. On n’écrit pas par envie, mais par nécessité.

Je visionne des images, je vois des textes, une forme se crée. Il y a l’idée, un fond se dégage, mais parviendrai-je à en délimiter les contours ? Je voudrais y parvenir sans détours, ne pas corriger, écrire un pavé en trois mois. Mais ça n’est pas vrai. Ça, c’est l’illusion de la vie. Vouloir détenir son objectif. S’abandonner à ce leurre qu’on nous tend. En réalité, seul le voyage compte, seule la composition du texte règne en maître. Il faut le temps, le temps qu’il faut pour nous apaiser. Du temps, encore et encore. C’est dans ce temps employé pour y parvenir que l’on compose avec notre être, ce que l’on est. La difficulté est là, certes. Elle est là pour nous rappeler combien c’est important. Toute la teneur, la densité de notre intériorité se prête au jeu. Dans cette vérité, on ne peut devancer l’appel. Il y a juste à y aller, comme on peut. Ecrire pour écrire. Répondre à cette injonction du plus profond de soi, parce qu’il n’y en a pas d’autre de toute façon.

Ecrire, écrire et encore… souffrir c’est autre chose. Souffrir, c’est sûrement de ne pas pouvoir écrire.

CDG

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Y
Remarquable à tout point de vue ! un excellent résumé des affres de l' écriture et un bien bel exercice de style ... C' est tout à fait ce que je vis en ce moment et de ce fait je compatis . J' ai beaucoup aimé ce que vous dites sur l' importance du voyage , du chemin et non du but à atteindre . C' est très étrange car une personne de ma connaissance viens de me donner ce conseil récemment ... Bon courage dans votre " souffrance " ( ! ) et encore merci pour ce texte magnifique .
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C
Je vous remercie à mon tour pour votre commentaire. J'ai dû écrire ce texte à un moment où j'avais du mal sur un livre que j'étais en train d'écrire. Il est gratifiant de voir que l'écriture puisse permettre à d'autres d'entrer en résonance avec ce qu'on tente de traduire.