Et toujours elle m'écrivait
Le récit part d’une expédition en montagne où l’auteur s’apprête à renoncer à gagner le Mont Blanc, persuadé qu’il n’est pas capable d’aller plus loin. A partir de là Jean-Marc Savoye revient sur le sentiment d’échec qui l’a conduit à entreprendre à plusieurs reprises une analyse. Pour mieux illustrer son expérience d’analysant il a invité celui qui fut son thérapeute pour sa troisième tranche d’analyse, Philippe Grimbert, à ponctuer son texte du point de vue de l’analyste.
Une première analyse, commencée alors qu'il était jeune afin de venir à bout de ses doutes (« J’était guidé par cette envie de comprendre mes échecs si douloureux, de comprendre pourquoi je passais mon temps à le perdre, pourquoi j’étais le spectateur de ma vie ») n'ayant pas suffi à le libérer, il devra s'y reprendre à plusieurs fois.
Dans ce travail d’introspection, l’auteur nous raconte sa vie, ses amours, sa famille, son travail dans l’édition chez Gallimard puis chez Hachette. L’écriture ayant toujours jalonné sa vie. L’écriture étroitement liée aux femmes de sa vie notamment (« Toutes les femmes que j’aimais écrivaient […] j’étais cerné par des femmes de lettres»). A commencer par cette prof de français en quatrième qui lui avait dit qu’il ne savait pas écrire et dont il fit sa maîtresse. Une histoire secrète et passionnelle qui dura sept années comme sa première analyse.
La névrose prend sa source dans la famille, c’est bien connu, alors J.M. Savoye n’y échappe pas (« La névrose faisait partie du paquetage, venait avec l’héritage »). On voit comment dans son travail analytique le transfert a opéré de manière différente, sur le mode d’une figure paternelle avec P. Fedida tandis que P. Grimbert fut plus investi comme image fraternelle.
Chez J.M. Savoye l’écriture est toujours présente, même lorsqu’elle n’est pas encore manifeste. L’écriture qui sert aussi à apaiser l’angoisse. L’auteur allant même jusqu’à comparer l’écriture à l’analyse (« En ce qu’elle est une entreprise de vérité, l’écriture […] est siamoise de l’analyse. »). Si son désir d’écrire fut encouragé par Fédida (« N’arrêtez jamais d’écrire. ») c’est lors de son analyse avec Grimbert qu’elle prit une place de choix dans sa vie.
Et encore elle m’écrivait (Ed. Albin Michel) est un texte dans lequel le lecteur découvre qu’il n’y a pas une forme d’analyse unique et standard mais qu’à chaque période de la vie peut correspondre une nouvelle introspection. Le récit nous montre aussi à quel point la connaissance de soi peut se jouer à plusieurs niveaux.
Et si dans cette histoire analyse et écriture s’entrecroisent cela n’a rien de surprenant puisque comme J.M. Savoye le souligne : « … nous sommes les romanciers de notre propre histoire et notre désir est engagé dans notre façon d’en faire le récit… ».
CDG