Sur les traces de mon héroïne
En écrivant mon roman Venise… et après ? j’avais choisi de faire résider mon héroïne Clara dans un quartier de Turin, situé entre la Piazza Castello et le Palazzo Carignano. C'est là qu'à plusieurs reprises je m'étais rendue en villégiature dans cette ville du nord de la péninsule. Là, où il m'était arrivé de m'attarder à une terrasse de la Piazza Carignano d'où l'on pouvait admirer le Palais du même nom qui vit naître le premier roi d’Italie.
Un quartier chic et courtisé des touristes où il faisait bon déambuler d’une place à une autre, d’un café à un autre et lécher les vitrines des rues avoisinantes.
Au moment où j'écrivais mon histoire, les souvenirs flous de certains lieux m'avaient amenée à consulter un plan de la ville jusqu'à ce que mon doigt vienne se poser à l’endroit précis où je décidai de domicilier mon héroïne. La via Cesare Battisti qui séparait la place Carignano de la place Carlo Alberto se tenait au cœur d’une zone piétonne constellée de terrasses de cafés où il était coutume de s’attabler devant un cappuccino ou un bicerin (spécialité locale).
Après la publication de Venise… et après ? souhaitant retourner sur les lieux afin de m’imprégner de l’atmosphère tenant lieu de décor à mon histoire, j'eus la surprise de découvrir qu’une librairie siégeait au rez-de-chaussée de l’immeuble où vivait mon héroïne : la Librairie Internationale Luxemburg (https://librerialuxemburg.wordpress.com/). Il aurait suffi que j'aille ensuite au bout de la rue pour y faire une autre découverte mais le manque de temps à cette occasion m’en avait empêchée.
Ce n’est que l’année suivante que j'allais constater cette fois, non loin de l’adresse de mon héroïne, la présence de la Bibliothèque nationale. Et puis, arpentant la rue Carlo Alberto qui faisait angle avec la rue Cesare Battisti, découvrir une plaque commémorative sur laquelle était inscrit que Nietzsche avait vécu à cette adresse, au numéro 6. A cet endroit, pouvait-on lire, Nietzsche avait écrit son livre ‘Ecce Homo’. Le philosophe allemand avait résidé à l’angle du bâtiment, dans un appartement situé au 3ème étage avec vue sur la piazza Carlo Alberto. Cette même place où il eut une crise de folie en voyant un cocher frapper son cheval. Selon le mythe, Nietzsche se serait alors précipité pour enlacer le cheval et l’embrasser. Les jours suivants, c'est en proie à un délire qu'il avait prétendu être le successeur de Napoléon. Suite à cet événement, accompagné par un ami, Nietzsche avait quitté la ville pour rejoindre Bâle, en Suisse. A partir de ce moment, il ne retrouva jamais ses esprits.
Je réalisai, ce jour-là, que l’appartement dans lequel avait séjourné Nietzsche faisait partie du même corps de bâtiment que celui où habitait Clara. Après avoir franchi à nouveau la porte de la Librairie Luxemburg et m'être rendue à l’étage supérieur, là où la littérature française côtoyait d’autres livres en langue étrangère, j’observai l’horizon qui s’offrait à mon héroïne depuis la fenêtre. Face à moi s'érigeait une façade baroque composée d’un alignement de briques rouges derrière laquelle était abrité le musée de la Renaissance.
Alors que j'étais sur le point de sortir de la librairie, mon regard avait été attiré par une collection de livres dont la présentation se distinguait par son aspect désuet et portait le nom des Editions Henry Beyle (http://www.henrybeyle.com/) en hommage à Stendhal. Une collection de petits livres imprimés sur papier Zerkall, en tirage limité dont on m'expliqua qu'il s'agissait souvent de ré-éditions. Après l'acquisition d'un ouvrage au titre évocateur : ‘Far publicare un romanzo’ ('Faire publier un roman') de Dino Buzzati, il m'avait suffi ensuite de faire quelques pas pour traverser la place et rejoindre un café occupant les locaux d'une ancienne pharmacie (http://www.delcambio.it/fr/farmacia/). Là, attablée devant un cappuccino, j'avais laissé mon imagination vagabonder me demandant quelle suite j'allais bien pouvoir donner à l’histoire de Clara, ici ou ailleurs, quelque part entre l’Italie et la France.
CDG