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Avec toutes mes sympathies

Publié le

Avec toutes mes sympathies’ (Ed. Stock) est le portrait d'un frère flamboyant qui a choisi de quitter la vie en se jetant d’un pont de Montréal à l’âge de 46 ans. Sa sœur, Olivia de Lamberterie* en signe le portrait, avec cette plume rapide qui semble vouloir dépasser la mort et scelle la complicité qui la liait à ce frère qu’elle ne veut oublier et à propos duquel elle écrit avec un certain panache.

Alexandre, ce cher disparu, avait laissé traîner sur les réseaux sociaux un message avant de mourir qui s’adressait à sa sœur : ‘Ecris ton livre’. Alors, celle qui a plutôt pour habitude de côtoyer les livres des autres a décidé d’écrire le sien.  La critique littéraire s’est lancée… à la fois pour tenter de raccrocher à la vie celui dont elle fut si proche et aussi pour ne pas sombrer dans la souffrance. Faire le deuil ? Pas question pour celle qui souhaite surtout que son frère redevienne vivant (« … je ne veux pas voir mourir sa mort. Je veux en éprouver toutes les particules, la revendiquer, y puiser des ressources insoupçonnées, explorer cet inconnu…hurler au scandale, scruter les cieux, comprendre. »)

En nous présentant celui qui vivait les choses avec intensité mais avait du mal avec la vie, elle ne manque pas de se poser certaines questions (« Est-ce une pathologie de juger la vie dégueulasse ? ») et pour mieux nous plonger dans l’histoire de ce frère, nous parle de sa famille issue de la bourgeoisie, des quatre enfants élevés dans la joie qui passaient des vacances sur la Côte d’Azur, du fils qu’elle a eu alors qu’elle était très jeune et de la mélancolie qu’elle connut aussi et qui se transmet comme une fatalité, touchant plus particulièrement les hommes de sa famille. Si son frère insistait autant pour qu’elle écrive, était-ce pour tenter de percer un mystère (« Mon frère était très soucieux de ces ascendants mélancoliques ») ?

Olivia de Lamberterie, si elle ne va pas chercher les causes du suicide de son frère, n’en reste pas moins en quête de sens. Or, ce qui surgit de l’appareil psychiatrique ne fait que montrer le tâtonnement. Dépression, troubles de l’humeur, mélancolie… De quel mal parle-t-on ? Si pour le principal concerné cela prend une forme floue, pour le corps médical la réponse passe par les médicaments face au diagnostic de dysthymie.

Alors que l’auteur a choisi de faire une psychanalyse afin de tenir à distance cette ‘saloperie’ (ainsi nommée par un psychiatre à qui elle s’était adressée pour lui demander son avis), son frère, lui, n’avait pas voulu consulter de psy.

La critique littéraire cite ces auteurs qui ont eux aussi été frappés par la tentation du suicide : « Sylvia Plath, Romain Gary, Ernest Hemingway, pour ne parler que d’écrivains que j’aime, je ne les considère pas malades, ces blessés dotés d’une sensibilité trop exacerbée pour supporter de se lever un matin de plus. »

Le livre a reçu le Prix Renaudot Essai 2018.

*Olivia de Lamberterie est critique à "Elle", "Télématin" et au "Masque et la Plume".

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