Cachées par la forêt

Cachées par la forêt (Ed. La Table Ronde) est un recueil sur 138 femmes de lettres oubliées auxquelles Eric Dussert rend hommage. A travers une présentation en deux ou trois pages pour chacune d’entre elles l’auteur dresse une galerie de portraits de ces femmes écrivains à travers les siècles. On y lit une brève biographie agrémentée d'extraits de textes de celles qui depuis sont tombées dans l’oubli. Des femmes qui ne manquaient sans doute pas de talent mais dont la trace s’est dissipée à l’ombre de la littérature.

Créatrices de différentes nationalités que l’on découvre selon un ordre chronologique ou picorant ici ou là au gré d’une promenade littéraire dans cette forêt d’érudition. Qui sont-elles ?

La Japonaise Murasaki Shikibu fut sans doute la première romancière avec son livre Le Dit du Genji (vers 973) qui relate la vie amoureuse et politique du prince Genji. L’arrière grand-mère par alliance de George Sand, Louise Dupin qui n’a jamais publié et dont l’essai de mille deux cent pages Sur l’égalité des hommes et des femmes fut annoté par Jean-Jacques Rousseau. En 1804 déjà, Fortuné B. Briquet s’était attelée à l’écriture d’un dictionnaire répertoriant 562 femmes de culture. Souvent féministes, il arrive que leur talent soit reconnu par leurs contemporains comme ce fut le cas pour Hortensia  Papadat-Bengescu dont on a dit qu’elle était ‘la grande romancière européenne’. Parfois leur carrière fut à la fois précoce et brève comme dans le cas de Daisy Ashford, la plus jeune romancière du monde : après avoir dicté son premier manuscrit alors qu’elle ne savait pas encore écrire, elle en rédigea un à l’âge de neuf ans avant de s'arrêter d'écrire à quinze ans expliquant avoir perdu le don.  Et puis, il y a celles qui eurent des amants célèbres comme Jean Voilier (nom de plume de Jeanne Loviton) qui publia Jours de lumière et à propos de laquelle Paul Valéry perdit la tête dans son grand âge. Certaines furent des aventurières comme Isabella Bird à qui un médecin avait prescrit de prendre l’air pour soigner ses douleurs (somatisations) et qui transportait sa baignoire et son oreiller gonflable partout où elle se rendait dans le monde ! De ses voyages elle a fait des récits. Ou encore Martha Gellhorn, journaliste et un temps l’épouse d’Hemingway, qui parcourut  la Russie et l’Afrique et répertoria le récit de ses aventures notamment dans Cinq voyages cauchemardesques. Après avoir eu son bac à seize ans et présenté sa thèse à vingt quatre ans, Marthe Oulié fut fut sans doute la plus jeune archéologue de France qui embarqua un jour en Méditerranée avec une équipée féminines, expérience dont elle tira un livre, La croisière de Perlette (1926).

Ces quelques exemples cités ne sont que l'illustration de ce que l'histoire a pu contenir comme femmes s'étant consacrées à l'écriture (romans, poèmes, essais…) et dont les livres, pour la plupart, ne sont aujourd'hui plus disponibles.

Loin d’être des chattes de salon, ces femmes écrivains aux destins hors normes avaient souvent un caractère bien trempé et se révélèrent en avance sur leur temps. Le livre d'Eric Dussert, en faisant entrer un peu de lumière sur leurs œuvres restées dans l'ombre, permettra peut-être de les réhabiliter.