Frida Kahlo et les psys
Dans ‘Frida Kahlo Confidences’ (Chêne) le psychiatre Salomon Grimberg rapporte l’entretien inédit entre Frida Kahlo et son amie, la psychologue Olga Campos. L’artiste s’y confie sur sa peinture mais aussi sur les enfants, les animaux, l’amitié, l’amour, la mort… Entre 1949 et 1950, Olga Campos avait interrogé Frida dans le cadre de ses recherches sur le processus créatif. Pour aborder l’artiste, la psychologue lui avait montré les dessins de ses patients. Au fil du temps l’amitié a grandi entre les deux femmes et Olga a partagé l’intimité de Frida. Dans ces confidences on peut lire que Frida Kahlo avait dit à son amie : ‘Je n’aimerais pas être célèbre’.
L'ouvrage 'Frida Kahlo Confidences' présente plusieurs parties. Dans la première, l'auteur trace l'interprétation de la personnalité de Frida Kahlo à partir de son enfance rappelant qu'elle était la quatrième d'une fratrie de cinq enfants, conçue peu de temps après la mort du seul fils de ses parents. Frida a donc été un enfant de remplacement et sa mère serait tombée en dépression suite à sa naissance. Salomon Grimberg fait le rapprochement entre la naissance de Frida Kahlo et certaines de ses œuvres (Ma naissance – 1932 et Ma nourrice et moi) et explique que des carences affectives survenues très tôt dans sa vie sont à l'origine des souffrances qui ont jalonné son existence. A l'âge de 7 ans, Frida contracte la poliomyélite et plus tard elle sera victime d'un accident de bus qui lui vaudra d'être hospitalisée pendant trois mois. A l'âge adulte, de nombreux traitements et opérations diverses ne viendront pas à bout de ses blessures. Selon S. Grimberg, Frida ne pouvait pas guérir car elle considérait la maladie comme seule cause de ses souffrances sans en analyser l'aspect psychologique.
La seconde partie du livre, et sans doute la plus intéressante, relate la rencontre d'Olga Campos avec Frida et la naissance de leur amitié. Olga qui était alors étudiante à l'Université de psychologie de Mexico avait décidé de montrer à Frida les dessins réalisés par les patients qu'elle suivait à l'hôpital psychiatrique dans le cadre de sa formation. Frida s'était montrée intéressée par le travail de la psychologue et avait proposé d'autres rencontres. C'est à partir de là qu'Olga fut introduite dans la vie de Frida Kahlo et de son mari Diego Rivera et qu'elle partagea leur intimité, fréquentant tous ceux qui côtoyaient le couple d'artistes. Olga qui a bien connu le couple rapporte combien leurs rapports étaient problématiques, entre la jalousie de Frida et l'infidélité chronique de Diego. Selon son amie, Frida qui n'aimait pas tellement parler d'elle, aurait eu un amoureux secret –un réfugié espagnol- qu'elle adorait et avec lequel elle entretenait une correspondance. Olga passa beaucoup de temps avec Frida et au fil du temps leur relation devint de plus en plus intime. Elle raconte les différents jeux qu'elles ont partagés et qui permettaient à Frida de s'extraire de sa pénible réalité. A travers différentes anecdotes, on apprend par exemple que, lorsqu'il faisait froid, Frida dormait avec son chien car il lui servait de bouillotte. La façon très précise dont Olga fait le récit de la vie chez les Rivera nous amène à pénétrer la vie du couple : la composition de leur intérieur, la manière dont Frida se maquillait, les ballades en voitures que Frida et Olga firent ensemble, les bijoux et les vêtements que portaient Frida, les rituels du couple… Toujours d'après Olga, le couple Rivera était en crise permanente, soit à cause de leur amour, de leur santé, leurs finances ou autre chose.
A la suite, on découvre le contenu des confidences que fit Frida à Olga lors d'un entretien; Frida s'y livre au sujet de sa peinture mais aussi de ses parents, des autres ("Tout le monde m'intéresse, mais je suis attirée par les personnes intelligentes"), des animaux ("Enfant, je jouais avec les animaux. Cela m'arrive encore."), de l'amour ("L'amour est le socle de toute la vie"), de la mort, de ses idéaux…
Le livre se conclut sur une évaluation psychologique de Frida Kahlo par le Dr James Bridger Harris à partir, non seulement des entretiens cliniques, mais aussi des tests projectifs qu'Olga Campos avait fait passer à son amie dans le cadre de ses recherches pour un livre sur les processus créatifs. Les quatre tests utilisés par la psychologue sont : le Rorschach, le TAT, le test de Bleuler-Jung et le Szondi. Frida Kahlo avait 42 ans au moment de la passation de ces tests psychologiques. Ils avaient alors pour but d'étudier et de comprendre la psychologie de la créativité. Il s'agissait d'une expérience inédite car jusque là aucun artiste ne s'était prêté au jeu en étant ainsi exposé dans toute sa fragilité.
Passionnée par Frida Kahlo depuis très longtemps –bien avant qu'elle n'acquière la notoriété qu'on lui connait aujourd'hui- et psychologue moi-même, j'ai toujours trouvé fascinante la manière avec laquelle l'artiste mexicaine avait transcendé ses souffrances grâce à sa peinture. Une photo de Frida figure sur une bibliothèque de ma chambre et j'ai toujours avec moi un porte-clés à l'effigie de Frida qui m'a été ramené du Mexique.
"Je n'aimerais pas être célèbre"
Frida Kahlo