Réflexion sur l'ennui...
J’ai le souvenir d’une époque où l’on disait que s’ennuyer pour un enfant c’était bien car cela pouvait développer chez lui une certaine propension à devenir créatif. Or, je lisais aujourd’hui même (cf. interview d’un écrivain) que l’on ne s’ennuie plus de nos jours. La faute à nos téléphones portables, vous l’aurez compris. Alors, à force de vouloir en finir avec le gouffre de l’ennui qu’adviendra-t-il de notre potentiel créatif ? Aurons-nous encore dans l'avenir des aspirants artistes ? Certainement, mais d’un autre genre. Comme on peut le voir déjà depuis un certain temps avec les écrivains et leur style. Des bouquins pas trop épais (à part le dernier Houellebecq) et n’allant pas trop dans le détail des descriptions (non, on n’écrit plus comme Balzac). Ce que je veux dire c’est que si l’ennui n’est plus supportable, il est d’abord le reflet d’un cerveau qui a évolué. Dans un temps où tout va plus vite que les aiguilles d’une montre, on accélère le mouvement et du coup, même le mouvement créatif prend une tout autre tournure. Le cerveau actuel est en mode ‘zapping’, on passe d’un sujet à l’autre à la vitesse de l’éclair. Lorsqu'on était gosse, on nous disait quand il fallait se presser ‘Et que ça saute !’. Tandis que maintenant c’est notre esprit qui tressaute à la vue de tout ce qui défile sous nos yeux. On ne sait plus où donner de la tête ! Enfin, tant que nos neurones ne disjonctent pas… Mais qu'en sera-t-il de l’art et de la création si l'on n'a plus l'espace de s'ennuyer ? Ne nous inquiétons pas, ça ne va pas s’écrouler, ça va juste se modifier (et ça, on le sait déjà) dans la forme. Certaines données l’emporteront sur d’autres. Prenons le cas de la peinture, on verra peut-être se développer des textures nouvelles ou des apparitions exotiques (œuvres virtuelles). Mais que dire des livres ? Ils n'existeront peut-être plus dans leur forme actuelle… J'entends ceux qui hurlent ‘On a déjà inventé les livres numériques, c’est pas suffisant ?!?!'. Faisons juste un peu travailler notre imagination. Allez, pas besoin d’un si grand effort pour entrevoir... un livre dont chaque page tournée laisserait entendre le son de l’histoire. Un livre audio ? Plus que ça car le livre existerait encore mais passerait par un autre canal, non plus seulement visuel mais auditif. Et pourquoi pas ? Pourquoi pas se laisser allez à imaginer des objets pas encore identifiables mais qui feront peut-être parti de notre paysage futur. Vous vous souvenez des aquariums… vous savez ces objets décoratifs qu’on plaçait à une époque dans les pièces de nos maisons ou que l’on voyait dans les salles d’attente des médecins (et là, c’était très utiles d’un point de vue psychologique). Imaginez une reconversion artistique de ces objets en envisageant des 'tableaux' remplis d’eau dont les déplacements de poissons engendreraient des dessins mouvants… Si, en bons défenseurs des animaux, on préfère ne pas voir ces être vivants enfermés dans des espaces clos anti-natures on pourrait remplacer les bêbêtes par des flux de matières variées (ex : sable...). On aurait alors des œuvres animées qui par leur vitesse nous permettraient de retrouver le rythme d'antan. Tout ça pour dire que non je ne crois pas (finalement) que l’art disparaitra avec l’ennui car même si nos cerveaux sont branchés en permanence, ils ne cessent de s’activer créant des connexions sans cesse renouvelées. De ces flux émergeront des œuvres en constante transformation (n’oublions pas que rien dans la vie n’est constant, seule existe la transformation perpétuelle) qui à leur tour sèmeront dans nos esprits des germes d’inventions multiples.
Ce cheminement de pensée est née d’une réflexion sur la disparition de l’ennui… mot qui, en réalité, ne fait pas partie de mon imaginaire.
CDG