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Le Bouquiniste Mendel

Publié le

A Vienne, dans les années 20, un homme passionné de livres et doté d’une mémoire prodigieuse passe ses journées, installé au café Gluck où viennent le consulter des spécialistes. Le bouquiniste Jacob Mendel vit en dehors du monde au point d’ignorer la guerre…

Dans cette nouvelle ('Le Bouquiniste Mendel'), Stefan Zweig peint le portrait d’un personnage extraordinaire, absorbé par le monde des livres au point de faire abstraction du réel. Passionné de psychologie, l’auteur compare cet amour des livres à n’importe quelle passion dévorante (« Feuilleter un ouvrage rare procurait à Mendel une jouissance délicieuse, comparable à celle qu’éprouve l’amant qui caresse sa maîtresse. Ces instants étaient ses nuits d’amour platonique. Seuls les livres avaient un empire sur lui, jamais l’argent. »).

Par son analyse Zweig montre également comment se développe tout processus créatif (« … j’avais pressenti un grand mystère : toutes nos créations originales et puissantes sont le fruit d’une concentration, d’une monomanie sublime, proche de la folie. ») mais aussi combien un tel engouement pour une noble tâche peut avoir valeur d’élévation spirituelle (« Mieux que nos poètes contemporains, ce petit bouquiniste inconnu m’avait prouvé, par son exemple, qu’une pure vie spirituelle, le culte d’une seule idée, une contemplation aussi profonde que celle d’un yogi hindou ou d’un moine du Moyen Age, pouvaient encore se réaliser de nos jours, même à côté d’une cabine téléphonique et sous les lustres éblouissants d’un café. »).

Par ailleurs, l’auteur insiste sur l’intérêt de se pencher sur le cerveau des personnes hors norme pouvant rendre un grand service à la science. (« Placé dans un de ces trésors publics appelés bibliothèques, son cerveau aurait renseigné et étonné des milliers d’étudiants et de savants et eût rendu des services inappréciables à la science. […] Si un jour un grand psychologue essaie de distinguer et de classer les différentes formes, espèces et nuances de la mémoire -comme Buffon le fit pour les animaux- il faudra qu’il pense à Jacob Mendel, ce maître génial et inconnu de la bibliographie. »). Une fois de plus, Stefan Zweig fait preuve de finesse psychologique dans sa narration. Il ne manque pas non plus de nous rappeler, à la fin, le sens et l’importance de la littérature…

 

« … je sais que les livres sont faits pour unir les hommes par-delà la mort et nous défendre contre l’ennemi le plus implacable de toute vie, l’oubli. » S. Zweig

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