Névrose Villa Médicis... ou dolce farniente des artistes français à Rome ?
La Villa Médicis qui s’élève sur la colline du Pincio à Rome est devenue, à partir de 1803, une Académie accueillant des artistes français (écrivains, peintres, musiciens, cinéastes…) afin qu’ils puissent s’adonner à leur art en toute quiétude. Pensionnaires, les heureux élus, entre 14 et 20 chaque année, bénéficient d’un revenu de 3200 euros par mois pour mener leurs projets créatifs dans le bâtiment datant du XVIème siècle qui domine la Ville éternelle.
L’endroit en fait rêver plus d’un, il y a de quoi, pour qui a eu le plaisir de se promener dans les jardins de la Villa Médicis, nul doute qu’il s’agit certainement du lieu le plus agréable de Rome. Au dessus de la Piazza di Spagna, centre névralgique et touristique de la capitale italienne, le Palais de la Villa Médicis qui surplombe la ville, est entouré d’un parc de 8 hectares orné de fontaines, sculptures ainsi que d’immenses pins parasols.
Pour la première fois, c’est une femme, Muriel Mayette-Holtz, qui a pris, cette année, la direction de l’institution, nommée par la ministre de la culture, Fleur Pellerin.
La Villa Médicis est aussi un lieu de fêtes, tant pour les artistes qu’à l’occasion de privatisation pour certains événements ou encore pour des concerts ou autres expositions. Il faut préciser que les artistes n’ont ici aucune obligations, ni même un projet à présenter à l’issu de leur séjour. Alors, il va sans dire que, pour certains, c’est aussi l’occasion de mener la dolce vita pendant un an. Oserait-on dire des vacances romaines aux frais du contribuable ?
Et, pourtant, tous ne s’y trouvent pas à la fête, ainsi certains sont allés jusqu'à évoquer une "névrose Villa Médicis", sorte de « syndrome de Stendhal », face à la beauté des lieux. Le réalisateur Rodolphe Marconi, pensionnaire de 1999 à 2000, a dit qu'‘Il y règne une atmosphère étrange et pesante. En réalité, il est très facile de se retrouver pétrifié dans ce lieu où les pierres et les vieilles statues respirent encore. ‘ (Cf. Art. La Dolce Villa par Nathalie Dupuis et Patrick Williams –Elle n° 3642 du 15 oct. 2015).
Sortis de leur contexte habituel, les artistes se trouvent parachutés dans un lieu magique, leur créativité pouvant s’exprimer sans entraves. Or, si cette bulle dans laquelle sont plongés les pensionnaires peut s’avérer libératrice, elle peut aussi se révéler inhibante. Dans l’article cité plus haut, nous est rappellé le cas, en 1974, du poète, Guez Ricord, ‘qui fut rapatrié d’urgence et interné, ou (de) ce compositeur qui, il y a une dizaine d’années, arpentait les allées la nuit en pyjama…’. L’écrivain Philippe Adam va même jusqu’à comparer le séjour à une psychanalyse, expliquant ainsi que ‘tu es dans une parenthèse à côté de la réalité, où, pour la première fois de ta vie, tu as le temps pour tout remettre en question, ton art, ton existence passée, tes rapports avec l’autre. Le séjour ressemble à une psychanalyse en un an. La vie personnelle peut en pâtir.’
Evidemment, la Villa Médicis a ses détracteurs, compte tenu du coût que cela peut représenter à l’Etat français. Néanmoins, on peut se demander si le dépaysement peut à ce point avoir valeur d’élan créatif. En effet, faut-il nécessairement être dans un lieu déconnecté pour créer ? L’inspiration vient-elle plus aisément loin de son quotidien ? La beauté d’un environnement est-elle source d’imagination ? Pas si sûr…
CDG