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Stefan Zweig Klaus Mann - Correspondance

Publié le

L’un, Klaus Mann, le plus jeune, fils d’un prix Nobel de littérature, est encore au début de sa carrière littéraire. […] L’autre – Stefan Zweig – est au faite de sa gloire. […] Pendant presque deux décennies, ces deux esprits s’affronteront sur la question de l’engagement au cours des heures sombres de l’Histoire en Europe.

Dans cette Correspondance (Phébus) sont rassemblées 82 lettres qui s’étalent sur près de 20 ans entre les deux écrivains, témoignant non seulement de l’exil de deux hommes mais parfois aussi de leur divergence notamment au regard de la situation politique en Allemagne.

Si on peut lire dans les lettres de Klaus Mann son admiration à l’égard de Zweig (« Un grand merci pour votre charmante lettre. Le merveilleux enthousiasme qui caractérise vos réactions me procure toujours une grande joie, et à chacun de mes livres, c’est de vous que vient la lettre la plus importante et la plus belle. »), ce qui est rapporté de son journal exprime aussi certaines critiques à l’encontre de son aîné.

Après avoir quitté l’Allemagne (1933) et fondé une revue littéraire à Amsterdam, Klaus Mann souhaite voir rallier Stefan Zweig à sa cause. Mais, alors qu’il lui demande d’écrire dans sa revue, il se heurte aux tergiversations de Zweig. A plusieurs reprises, Klaus Mann se montre chagriné de voir Zweig faire marche arrière et finir par se rétracter.

Non pas que Stefan Zweig refuse, dans un premier temps, de collaborer à la revue littéraire mais il explique ne pas vouloir se lancer dans la polémique (« Je ne suis pas d’un tempérament agressif […] C’est peut-être dans notre obstination silencieuse et déterminée, dans ce que nous formulons au travers de l’art, que réside notre plus grande force […] »). Comme il a pu l’expliquer par ailleurs, Zweig ne souhaite pas se comporter en journaliste, en polémiste mais plutôt user de son art pour s’attaquer aux causes (« … la seule réponse à apporter […] est de réaliser des œuvres »). Seule compte, aux yeux de Zweig, la cause littéraire (« … il y a suffisamment de journaux politiques et nous aurions besoin d’une revue qui soit uniquement au service de notre art. »). Pour Zweig, les intellectuels et les humanistes doivent se placer au-dessus de la mêlée.

Dans son combat mené contre le nazisme, Klaus Mann reproche à Zweig sa complaisance et une volonté humaniste à comprendre (« La psychologie permet de tout comprendre […] Mais cette psychologie-là, je ne veux pas la pratiquer. »). A propos du seul roman produit par Zweig, La Pitié dangereuse, Klaus Mann écrit dans son Journal : « Remarquable savoir-faire. Bonne école viennoise de psychologie. ». Mann voit dans son aîné un autrichien, imprégné de philosophie freudienne, dont il décrit sa relation au drame humain comme très proche de l’attitude et de la stratégie du psychanalyste.

Le fils de Thomas Mann, considéré par certains comme un dandy superficiel, a pu trouver dans son combat contre le nazisme un moyen de lutter contre sa dépression. D’après son frère, Golo Mann, c’est grâce à son activisme que Klaus Mann a vécu sa période d’exil en toute intensité, et peut-être même été heureux.  

Malgré ce qui a pu les opposer, l’amitié entre les deux hommes n’a jamais failli. 

Suite au suicide de Stefan Zweig le 22 février 1942 à Petrópolis (Brésil), c’est Klaus Mann qui écrit sa nécrologie.

Quant à Klaus Mann, il est retrouvé mort d’une overdose de somnifères le 21 mai 1949 à Cannes.

 

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