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La terre a des limites, mais la bêtise humaine est infinie

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La terre a des limites, mais la bêtise humaine est infinie’ est un livre qui rassemble la correspondance entre Flaubert et Maupassant étendue sur sept années (1873-1880). On y découvre la personnalité et les difficultés rencontrées par ces deux écrivains qui n’appréciaient guère leurs contemporains, leur préférant les grands auteurs. On peut même avancer que c’est « la détestation de la médiocrité et l’amour de la littérature » qui les aura réunis.

Au commencement de leurs échanges, Maupassant n’a que 23 ans et ne connait personne à Paris. Il devient vite le disciple de l’auteur de ‘Madame Bovary’, alors âgé de 52 ans, qui « l’invite à des dîners auxquels participent les plus grands écrivains de l’époque, […] le met en contact avec son éditeur. ». En retour, Maupassant rend quelques services à son protecteur.

Les deux hommes partagent les mêmes soucis financiers, l’un, Maupassant, parce qu’il ne parvient pas à vivre de sa plume ce qui l’a amené à accepter un travail administratif pour survivre ; l’autre, Flaubert, qui s’est retrouvé ruiné par sa nièce (ou plutôt le mari de celle-ci).

Comme l’explique Flaubert à son protégé : la vie d’artiste n’est pas de tout repos ! « Un homme qui s’est institué artiste n’a plus le droit de vivre comme les autres. ». Cela suppose non seulement du travail mais aussi un certain mode de vie : « Quant à moi, je travaille avec violence, ne voyant personne, ne lisant aucun journal, et gueulant dans le silence du cabinet comme un énergumène. » (23/7/1876)

Non seulement, il faut travailler mais il faut aussi se méfier des journaux, rappelle le plus âgé au plus jeune. Flaubert conseille à Maupassant de se tenir éloigné des médias de l’époque…

« Ah ! la Bêtise Humaine vous exaspère ! et elle vous barre jusqu’à l’Océan ! Mais que diriez-vous, jeune homme, si vous aviez mon âge ! » Flaubert

L’amitié entre les deux écrivains n’est pas loin de ressembler à une relation filiale. A la fois, au travers des conseils de l’un et du dévouement de l’autre. Lorsque, par exemple, Flaubert est à l’écriture de son ‘Bouvard et Pécuchet’, il envoie son ami sur les lieux de son récit afin que celui-ci lui fournisse les descriptions des paysages.

De son côté, Maupassant, dont l’emploi au Ministère de la Marine l’occupe un peu trop à son goût, se plaint auprès de son maître d’être entravé dans son travail d’écriture : « La politique m’empêche de travailler, de sortir, de penser, d’écrire. » (10/12/1877). De la confidence à l'épanchement, il n'y a qu'un pas vite franchi : « … il me vient par moments des perceptions si nettes de l’inutilité de tout, de la méchanceté inconsciente de la création, du vide de l’avenir (quel qu’il soit), que je me sens venir une indifférence triste pour toutes choses et que je voudrais seulement rester tranquille, tranquille, dans un coin, sans espoirs et sans embêtements. Je vis tout à fait seul parce que les autres m’ennuient ; et je m’ennuie moi-même parce que je ne puis travailler. Je trouve mes pensées médiocres et monotones. ».

Et quand bien même le jeune auteur en mal de vivre, tente de se consoler dans les bras des femmes, cela ne suffit pas : « Le cul des femmes est monotone comme l’esprit des hommes. » (3/8/1878), ce à quoi Flaubert lui rétorque « Vous vous plaignez du cul des femmes […]. Il y a un remède bien simple, c’est de ne pas vous en servir. » le ramenant dans un même courrier à l’essentiel qui, selon lui, n’est autre que le travail : « Il faut, entendez-vous jeune homme, il faut travailler plus que ça. J’arrive à vous soupçonner d’être légèrement caleux. Trop de putains ! trop de canotage ! trop d’exercice ! ».

Outre le fait de nous en apprendre plus sur ces deux écrivains, comme en attestent ces extraits, le texte ne manque pas de drôlerie. Une lecture plus que plaisante !

CDG

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